LA CIFRE POUR LES DOCTORANTS EN DROIT : UN DISPOSITIF GAGNANT-GAGNANT
Membre de la Commission « Carrière et évolution professionnelle » de l'AFDD
Ancien doctorant CIFRE en cabinet d'avocats
RUBRIQUE : Vie des docteurs et du doctorat
I. La CIFRE en droit
Les principaux avantages qui découlent de la CIFRE (A) doivent pouvoir être mis au service des métiers du droit (B).
A. La CIFRE…
Ce dispositif subventionne toute entreprise de droit français qui embauche un doctorant afin de le placer au cœur d'une collaboration de recherche avec un laboratoire public. Les conventions sont financées par le ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche qui en a confié la mise en œuvre à l’ANRT. Cette dernière verse à l’entreprise une subvention annuelle (son montant était de 14.000 euros en 2011). Les coûts restants à la charge de l’entreprise sont éligibles au Crédit Impôt Recherche (CIR).
L’équilibre général du dispositif CIFRE est fondé sur un partenariat entre un doctorant, une entreprise et un laboratoire de recherche. Le recours à un doctorant en CIFRE s’adresse principalement aux entreprises qui souhaitent explorer ou améliorer un domaine de compétence déjà existant ou qui ont des projets de développement sur un nouveau marché. Les travaux menés doivent aboutir à la soutenance d'une thèse en trois ans.
Le candidat à une CIFRE doit être titulaire d'un diplôme de niveau Master récent (moins de trois ans selon l’ANRT). Il doit s'agir pour lui d'une première expérience professionnelle de recherche. Pour intégrer le dispositif, la demande doit intervenir au plus tard neuf mois après la date de première inscription en formation doctorale.
Dans ce cadre, le doctorant est recruté en contrat de travail à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée de trois ans. Il bénéficie d’un salaire annuel brut minimum de 23.484 € (articles D. 1242-3 et 1242-6 du code du travail) et mène ses travaux de recherche en alternance dans l’entreprise et son laboratoire d’accueil. Le doctorant est ainsi placé dans des conditions scientifiques et financières optimales pour réaliser sa thèse.
Le temps de recherche du doctorant CIFRE est réparti entre le temps passé au sein de la structure d’accueil et le temps passé au laboratoire de recherche. Cette répartition permet d’assurer un équilibre entre la recherche théorique et la recherche pratique, équilibre qui constitue la pierre angulaire du succès de la thèse en CIFRE. Elle permet au doctorant de consacrer 100 % de son temps à ses travaux de recherche et de bénéficier d'une double formation académique et professionnelle.
B. …En droit
La CIFRE du doctorant en droit peut notamment se dérouler au sein de services juridiques des entreprises françaises ou de cabinets d’avocats français. Trouver la structure d’accueil n’est toutefois pas chose aisée : ce dispositif n’est pas toujours connu pour les métiers du droit. L’AFDD envisage bien évidemment de faire le nécessaire pour y remédier.
Le futur doctorant en droit en CIFRE ne doit pas hésiter à faire de nombreuses démarches en amont pour trouver l’entreprise ou le cabinet d’avocats intéressé par les travaux de recherches entrepris et susceptibles de l’accueillir. Il doit choisir un sujet novateur avec de nombreuses incidences pratiques et un directeur de thèse qui accepte de le suivre dans le cadre d’une CIFRE.
Le jeune chercheur doit établir un dossier complet qui comprend en particulier une présentation du projet de recherche envisagé (une dizaine de pages environ). Les enjeux pour l’entreprise et la doctrine juridique doivent être mis en avant. Le projet est ensuite expertisé pour apprécier l'intérêt, la qualité et la pertinence scientifiques des travaux de recherches programmés.
Le futur doctorant doit insister sur l'objectif de ses recherches et sur leur originalité pour bien se différencier des travaux antérieurs éventuels. Il est opportun que le sujet de thèse soit à haute technicité juridique ou qu’il ait un lien direct avec l’entreprise, l’aspect innovation devant être manifeste par rapport à des thèses trop doctrinales qui traitent de débats juridiques historiques.
II. Le « droit » à la CIFRE ?
Le recours au financement des thèses de droit dans le cadre d’un CIFRE est méconnu (A) mais il est aujourd’hui difficile de contester que pour les métiers du droit, ce recours est nécessaire (B).
A. Un recours méconnu
Très répandue dans des secteurs d’activités spécialisées scientifiques et techniques, dans le secteur de l’équipement électronique ou des télécommunications, la CIFRE reste un dispositif d’alternance encore peu utilisé dans les services juridiques et les cabinets d’avocats. Il n’est, par ailleurs, pas toujours connu des doctorants en droit alors même que sa principale qualité de permettre à l’étudiant d’aller au bout du LMD dans de bonnes conditions.
Avec ce dispositif, le doctorat n’est plus l’apanage d’étudiants diplômés de Masters 2 Recherche (ancien Diplôme d’Etudes Approfondies ou DEA) qui souhaitent intégrer le corps enseignant universitaire. Il devient également un diplôme qui attire de jeunes diplômés de Masters 2 Professionnel (ancien Diplôme d’Etudes Supérieures Spécialisées ou DESS).
La CIFRE permet au laboratoire et à l’étudiant de confronter leurs axes de recherche avec la stratégie, les besoins et la réalité de l’entreprise. Il appartient donc aux laboratoires de recherche juridique et aux écoles doctorales de droit des universités françaises de populariser ce dispositif. À terme, il serait salutaire que les doctorants CIFRE représentent un pourcentage non négligeable des jeunes chercheurs.
B. Un recours nécessaire
La thèse de droit effectuée dans le cadre d’une CIFRE permet au futur docteur de rompre définitivement avec l’image souvent véhiculée du jeune chercheur dont les réflexions sont trop éloignées de la pratique. Les modes de raisonnement développés au contact de la pratique permettent de comprendre les priorités des services juridiques d’une entreprise ou les besoins des clients d’un cabinet d’avocats.
Le doctorant rencontre des problématiques qui lui donnent des éléments de réflexion supplémentaires auxquels il n’aurait pas nécessairement pensé en dehors du contexte professionnel. À l’inverse, la structure d’accueil trouve auprès du doctorant recruté des réflexions théoriques de nature à apporter des éléments de réponse aux problématiques pratiques rencontrées. La finalité pratique du travail de recherche mené constitue une véritable plus-value pour l’entreprise.
La thèse contribue au développement du raisonnement juridique et permet de faire face à une technicité et à une spécialisation croissantes du droit. Elle permet également d’optimiser les qualités de recherche et les capacités de rédaction du doctorant. À une époque où l’inflation législative est la règle, être un bon chercheur et avoir une bonne organisation des idées sont des qualités fondamentales pour le juriste ou l’avocat, métiers pour lesquels l’écrit est primordial.
L’ensemble des qualités que le travail de thèse permet de développer est présent dans la pratique quotidienne des métiers du droit. Les détracteurs du doctorat estiment que le thésard est trop théorique, qu’il n’a pas le sens de la pratique, qu’il ne connaît pas les pratiques de l’entreprise, etc… La thèse en CIFRE est une alternative qui apporte une réponse efficace à ces critiques et permet de former des « praticiens docteurs ». Elle conforte l’idée selon laquelle le doctorat doit occuper une place importante dans les différents métiers du droit.
Pour plus d’informations sur la CIFRE : www.anrt.asso.fr